Reportage
Karabakh : le monastère arménien de Dadivank face au péril de l’Azerbaïdjan
C’est un monastère de pierre pris dans la gangue de la forêt du Haut-Karabakh, rouge l’automne, verte l’été. Une merveille de pierre construite entre le IXe et le XIIIe siècle, à 1 100 mètres d’altitude. Le jardin du monastère s’étendait autrefois jusqu’à la rivière Tatare. Il est aujourd’hui grignoté par les bois. La finesse de ses sculptures, la richesse de ses inscriptions en arménien ancien qui couvrent les murs extérieurs en font l’un des monuments artistiques les plus remarquables de l’époque médiévale. Le monastère a été fondé par saint Dadi, un disciple de l’apôtre Thaddée qui a répandu le christianisme en Arménie orientale au cours du premier siècle de notre ère. En juillet 2007, la tombe de saint Dadi a été découverte sous l’autel de l’église principale.
Des risques avérés de dégradation
En raison de l’accord de paix signé le 9 novembre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide russe, le monastère de Dadivank s’apprête à passer dans quelques jours sous le contrôle de l’Azerbaïdjan. Déjà, les religieux ont descellé les croix, et emporté les cloches des églises du monastère pour les mettre à l’abri. Ils savent ce que risque ce chef-d’œuvre : lorsqu’il était sous administration azérie, le monastère considéré comme un vestige de la religion chrétienne arménienne a été très abîmé par la population musulmane locale qui l’utilisait comme étable. Le 8 octobre 2001, une motion de sauvegarde de l’héritage historique et culturel de la République du Haut-Karabakh, signée par 16 membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, reconnaissait que parmi les exemples les plus flagrants de la politique de destruction des chefs-d’œuvre arméniens par l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh figurait la détérioration de Dadivank, que « la population locale musulmane a dégradé autant qu’elle put » lorsque le monastère était sous son contrôle pendant la période soviétique.
Haut-Karabakh : un accord désastreux pour l’Arménie
Mais comment les religieux pourront-ils protéger les fresques magnifiques qui ornent l’église principale ? Celle de saint Nicolas par exemple, restaurée en 2015, exhumée de la noirceur des feux de charbon…
Aujourd’hui plus encore qu’hier, chauffés à blanc par la guerre et la terminologie éradicatrice de leur président, les Azéris risquent de vouloir se venger sur le monastère restauré. On se souvient que le cimetière historique de Djoulfa au Nakhitchevan, le plus grand cimetière de « khatchkars » ou « pierres à croix » (stèles gravées de croix ornementées), en tuf rouge, avait été complètement détruit de 1998 à 2005, quand les Arméniens majoritaires dans cette région avaient été remplacés par des colons azéris. Arman Tatoyan, le défenseur des droits de l’homme d’Arménie, s’interroge :
« Que peut-on attendre de gens qui ont exercé la torture et mutilé nos soldats, qui les ont décapités et ont envoyé leur tête en photo à leurs frères avec leur portable ? L’incitation à la violence était étatique avec des slogans comme : Exterminez tous les Arméniens mais torturez-les avant… ».