Édito

Erdogan et les islamo-écologistes

La mosquée turque Eyub sultan à Strasbourg sera la plus grande mosquée d’Europe. Elle coutera 32 millions d’euros. Une entreprise sultanesque. Et un peu écolo aussi puisque 2,5 millions seront directement financés par la mairie verte de la ville. Si le tribunal administratif, saisi par le gouvernement, n’annule pas ce financement, mais peu de chances puisque les pouvoirs locaux ont le droit de réaliser de telle subvention, l’Alsace n’étant pas soumise à la Loi de 1905 mais régulée par le concordat napoléonien.

Que représente cette mosquée géante pour la Turquie ? Un arc de triomphe dans sa conquête du territoire Européen. Une jouissance suprême dans son leadership mondial de la communauté des musulmans. Le futur Vatican de l’islam frériste turc, en attendant que Rome tombe entre leurs mains selon la prophétie du Prophète, sera donc fichée en territoire français. Cette volonté turque de projection à l’intérieur du territoire européen s’affirme en effet par la construction d’immenses mosquées que chapeaute le Dinayet (Bureau central des cultes), forts de 120.000 imams fonctionnaires, et dirigé par Ali Erbas, l’imam qui a conduit la prière dans l’ex-basilique Sainte Sophie, reconvertie en mosquée le 24 juillet dernier, un sabre à la main.

Mais pourquoi cette mosquée basilique en France ? « La hargne viscérale et spécifique que M. Erdogan voue à la patrie de Voltaire est tapie dans l’identification de cette nation à la laïcité haïe et à une influence culturelle néfaste impie qu’il brule d’éradiquer », explique Gilles Kepel dans son dernier essai « Le Prophète et la pandémie »1, décryptage indispensable de la nouvelle équation moyen orientale.

Les écologistes de la mairie de Strasbourg savent qu’Erdogan est devenu le premier des « entrepreneurs de colère », toujours selon l’expression de Kepel, attisant les flammes du procès en islamophobie intenté à la France. Ils connaissent les insultes proférées par le président turc traitant le président Macron de malade qui « doit aller subir des examens dans un hôpital psychiatrique ». Ils l’ont entendu dire que les citoyens français d’origine turcs devaient allégeance à la Turquie plus qu’à la France. Ils sont informés qu’il accueilli en Turquie les frères musulmans pourchasser en Egypte par le général al-Sissi et qu’il finance leurs tentacules associatifs dans toute l’Europe. Ils connaissent les liens du régime turc avec les barbares de l’Etat islamique. Ils comprennent que le procès que le président turc vient d’intenter à Charlie Hebdo menace une nouvelle fois ses journalistes de mort. Alors pourquoi ces subventions qui encore une fois sont légales mais criminelles d’un point de vue moral, et osons le dire antipatriotique ? Est-ce la haine de Macron, seul à s’être véritablement dressé contre les guerres de colonisation que la Turquie mène aux marches de l’ex-empire ottoman, de la Grèce à la Lybie et jusqu’en Arménie, qui aveugle la municipalité EELV ? Ou partagent-ils cette conviction multi-culturaliste que la laïcité et la liberté de blasphémer défendues en France sont « un permis de cracher sur la religion des faibles », selon la formule cinglante de Jean-François Colosimo, dont le dernier essai, « Le Sabre et le Turban »2, décortique les ambitions géopolitiques turques ?

En répondant à ces questions, les islamo-écologistes français devraient se rappeler du sort réservé à leurs homologues turcs. Eux qui avaient fait d’Erdogan le champion de la liberté religieuse et culturelle face aux fascistes laïcs, héritiers d’Atatürk, et qui se sont retrouvés bien vite dans les geôles du sultan…

Sara Daniel

1 Paris, Gallimard, 2021, 324 pages.

2 Paris, Cerf, 2020, 216 pages.