Reportage

Dans l’enfer syrien

A Homs, le massacre continue. Dans un restaurant branché de Damas, on remercie les Russes pour leur veto à l’ONU. Autour de Deraa, l’Armée libre affronte les blindés du régime. Partout, les enlèvements se multiplient. Et l’opposition, divisée, redoute l’engrenage de la guerre civile. Reportage.

Ils regardent devant eux pour dominer la peur, se serrent les uns contre les autres et murmurent entre leurs dents: « Allah, viens-nous en aide. » Puis ils sortent, s’avancent sous un pont, se rassemblent quelques instants par petits groupes, avant de se disperser à nouveau et de reprendre leur étrange ballet.

Comme chaque vendredi, jour de prière, la mosquée Hassan de Damas devient l’un des centres de la révolte. Le thème de la manifestation de cette semaine est sans ambiguïté: « La Russie tue nos enfants ». Mais à Al-Midan, ce quartier qui ne compte plus ses morts depuis le début du soulèvement, les protestataires savent que s’ils ne veulent pas être abattus jusqu’au dernier, tout ce qu’ils peuvent oser, ce sont ces « manifestations-secondes ». Face à eux, il y a l’appareil sécuritaire du régime au complet. Sur le pont, les barrages de l’armée et de la police anti-émeutes. A chaque carrefour, pour les encercler, les disperser, parfois même en pointant sur eux leurs armes, des nuées de chabiha, les terribles séides du régime, leur embonpoint sanglé dans de petits blousons kaki, lunettes noires et kalachnikov, prêts à tirer.

Qu’il semble lointain, l’espoir d’une issue proche et d’un effondrement du régime. La semaine dernière, les combattants de l’Armée syrienne libre avaient pourtant réussi à approcher de la banque centrale de Damas, au coeur même de la capitale. Las, les veto de la Russie et de la Chine au Conseil de Sécurité de l’ONU ont modifié la donne. Fort de la bénédiction de ses alliés qui ont encore une fois bloqué toute initiative internationale, le régime a repris la main. Et de Deraa à Homs, ses forces regagnent un à un les quartiers insurgés à coups de bombardements, de batailles de rue et de descentes dans les maisons…

Depuis quelques minutes, il n’y a plus un bruit à Al-Midan. Les manifestants se sont tus. L’air est devenu épais comme du béton. Et même l’homme – un sympathisant du régime – qui m’escorte en Syrie, où je voyage avec un visa accordé par le ministère des Affaires étrangères, est devenu gris de peur. Parmi les civils postés aux carrefours, il a reconnu des membres des Jaouié, les services de sécurité de l’ armée de l’ air.

Or parmi les dix-sept services de renseignement que compte la Syrie et qui disposent chacun de leurs propres prisons – à tel point que lorsque quelqu’un disparaît, on met parfois des semaines avant de savoir qui le détient -, les Jaouié sont les plus redoutés. Créés autrefois par Hafez al-Assad, lorsqu’il était ministre de la Défense et voulait disposer d’un service de renseignement qui ne dépendrait que de lui, les Jaouié, qui comptent près de 20 000 membres, se sont petit à petit affranchis de toute tutelle et ne répondent aujourd’hui qu’à leur chef, le général Jamil Hassan. Resté fidèle à la mémoire d’Hafez, c’est un partisan de la ligne dure qui reproche au fils de son héros sa mollesse. A son arrivée au pouvoir, Bachar al-Assad en avait tenté de mettre au pas les Jaouié. Mais lorsque la crise a commencé et le 25 janvier que le régime a vacillé, les renseignements de l’armée de l’air ont renoué avec leurs méthodes: barbes arrachées à coups de pinces, viols, brûlures, torture du « tapis volant », où l’on attache ensemble les quatre membres derrière le corps, puis reliés au cou.

Au mois de juillet dernier, Bachar a fait installer des caméras dans les bureaux des Jaouié qui sont désormais directement reliées au palais. Mais personne ne sait vraiment si c’est pour limiter leur cruauté ou par crainte d’un coup d’Etat.

Une soirée à l’Oxygène

A l’autre bout de la ville, à l’Oxygène, un restaurant branché de la vieille ville chrétienne fréquenté par les partisans du régime, les habitués fêtent le veto russe. Sur les murs, en guise de décor, un mélange psychédélique mêlant une photo offcielle de Bachar et des images de sous-vêtements féminins. Au karaoké, on chante des chansons du folklore syrien en sirotant des cocktails ou des verres d’arak.

Moulée dans un slim, longs cheveux blonds, l’animatrice d’une radio privée confie en s’étirant d’aise: « Moi, je suis très pro-régime [comme si elle parlait de son équipe de foot préféré] . Il n’y a que les alaouites qui sont capables de diriger ce pays. Nous, les sunnites, nous avons tous un petit Allah dans la tête. C’est ce que vous voulez, vous, les Occidentaux, que toutes les femmes soient voilées dans ce pays? » A sa table, il y a la femme du propriétaire, Majid Niazi, membre du conseil municipal de Damas, qui s’était illustrée en mettant à la porte du restaurant l’ambassadeur américain parce qu’il soutenait Israël. Majid se présente comme une opposante au régime. Elle affirme vouloir porter plainte contre les exactions des services de sécurité. Et se félicite d’avoir été l’une des premières à avoir reçu l’autorisation de fonder son propre parti politique qui, au début de la révolte, ambitionnait avec une naïveté confondante de regrouper toutes les composantes de la société syrienne, des chabiha aux différents courants de l’opposition. Depuis, ceux de l’opposition sont partis, quelques-uns des chabiha sont restés, mais Majid rêve toujours d’un gouvernement d’union nationale conduit par Bachar.

L’invité d’honneur de la soirée arrive. Il s’agit du docteur Kadri Jamil, le chef du Parti communiste syrien, un grand homme baraqué âgé d’une cinquantaine d’années, seul membre de l’opposition à avoir accepté de faire partie de la commission de réforme de la Constitution, créée par Bachar. Jamil explique que le texte qui sera soumis à référendum le 15 mars s’est beaucoup inspiré de la Constitution française, voire la dépasserait, puisque même le droit de grève y serait, selon lui, consigné. Le seul article qu’il regrette est celui qui précise que le président devra être de religion musulmane.

Après avoir lancé quelques blagues dans lesquelles les juifs et les Français n’ont pas exactement le beau rôle, Jamil commande un grand verre de vodka dans le russe parfait qu’il a appris pendant ses études à Moscou. Puis il explique que le nouvel ordre mondial qui consacre les suprématies russe et chinoise est arrivé. « Hélène Carrère d’Encausse a vraiment écrit n’importe quoi, s’amuse le chef du PC syrien. L’empire russe ne s’est jamais aussi bien porté. » Selon lui, les Etats-Unis n’ont cru à la détermination russe qu’au deuxième veto et leur position est comparable à celle de la France et de la Grande-Bretagne pendant cette crise de Suez qui, en 1956, a consacré la perte de leur influence. « L’Occident n’a pas encore compris qu’il était fini! », exulte Kadri Jamil. Il y a deux mois, il s’est rendu à Moscou pour y rencontrer le président de l’Assemblée et le représentant du président russe au Moyen-Orient, Mikhaïl Bogdanov: « Ils étaient déterminés à éviter coûte que coûte une intervention étrangère, je savais qu’ils nous soutiendraient… » A l’autre bout de la table, la jeune animatrice, si enthousiaste au début du dîner, s’est recroquevillée sur la banquette. Elle vient de recevoir un SMS: « Espèce de «chabiha», on va te faire la peau. »

Avec l’Armée libre de Deraa

Pour circuler dans Deraa, il faut prendre son mal en patience. Zigzaguer entre les chicanes de béton, rebrousser chemin sur les routes barrées, attendre aux check-points qui jalonnent la route tous les 200 mètres. Car depuis le veto russe, la ville « où tout a commencé » est à nouveau occupée par l’armée. Ici, les bâtiments brûlés, les statues de Hafez al-Assad déboulonnées, les graffitis anti-régime recouverts à la hâte de peinture noire montrent à chaque carrefour que l’on est dans une des capitales de l’insurrection. Le gouverneur de Deraa, un homme trapu au visage buriné qui a des manières de soldat, se plaint beaucoup de la situation sécuritaire et de la proximité avec la frontière jordanienne qui se situe à 3 kilomètres et par où, à l’entendre, transitent toutes les armes qui parviennent aux insurgés de l’Armée libre.

Pour rencontrer des membres de l’opposition armée, il faut distancer les agents des moukhabarat qui nous suivent, faire mine de reprendre la route en direction de Damas, puis bifurquer dans un de ces chemins de campagne qui desservent les villages qui entourent Deraa. Mais les forces de sécurité nous ont précédés à Dael, où 60 personnes ont trouvé la mort depuis le mois de mars. Quatre chars sont positionnés à l’entrée du bourg. Les murs de la rue principale sont recouverts d’une succession de slogans: « Bachar, prépare-toi à mourir avec dignité… », « Dégage » … Ici, pour éviter d’attiser la colère des habitants, le régime a remplacé sur les façades les portraits de Bachar par le drapeau syrien.

Nous continuons notre route jusqu’à Ebta. Dans les arrière-cours des fermes du village, des hommes creusent le sol avec des excavatrices. Le traducteur explique qu’ils cherchent de l’or et des antiquités, le « trésor des Templiers », pour financer le renversement du régime. Fantasme ou réalité, au sein du pouvoir comme parmi les révoltés, tout le monde pense que le sous- sol regorge de richesses enterrées par les croisés. Le régime interdit donc aux fermiers de fouiller le sous-sol et réprime durement ceux qui bravent cet interdit. Amar, un agriculteur couvert de poussière qui a pris comme nom de guerre « Eagle 9 », s’interrompt un moment pour nous parler. Tout juste libéré de prison, il raconte avec force détails les tortures, la privation de sommeil, son anus déchiré par les matraques des geôliers. Sunnite, il dit qu’il le regrette, mais que sa guerre, il la mène désormais contre les alaouites: « Le régime l’a bien cherché. » Tous les jeudis soir, sur l’écran de la place du village, il suit les prêches du cheikh Arour, un Syrien exilé en Arabie saoudite d’où il appelle au massacre des alaouites et au viol de leurs femmes.

Dans une des fermes voisines, Amar nous présente Rachid, un des commandants de l’Armée libre de la région de Deraa qui revient de l’hôpital de fortune du village où l’on soigne les blessés de la veille. Il est recherché par la police qui veut le prendre mort ou vif, tout comme l’imam du village de Dael qui nous a rejoints. Au début de la révolte, quand les enfants surpris en train d’écrire des graffitis contre Bachar ont été arrêtés et torturés, certains à mort, et que la répression des manifestations avaient déjà fait plus d’une centaine de victimes, l’imam s’était joint à une délégation de notables de la région de Deraa qui s’était rendue chez le président: « J’ai trouvé un homme prisonnier de son propre palais. Il nous a dit qu’il n’était au courant de rien, qu’il ne regardait jamais la télévision… Moi, je lui ai demandéau nomdequoi, alors, il était notre président. »
Un coup de fil nous interrompt: l’armée s’apprête à lancer un assaut sur le village. Rachid nous conduit sur des chemins de traverse, au milieu des champs pour éviter la route principale. Dans sa ferme, l’armée fera trois blessés ce soir-là.

La gifle reçue par Bachar

Une pluie fine et glacée tombe sur Al-Qardaha, le village natal de Hafez alAssad. C’est dans cette montagne couverte d’oliviers, qui surplombe Lattakié, que s’étaient autrefois réfugiés les alaouites fuyant l’oppression des Ottomans. Surprise dans cette dictature qui entretient le culte de la personnalité: le village est assez mal entretenu. Le siège du parti Baas semble avoir brûlé tant il est décrépi. Et seuls des hommes de la police secrète sont visibles autour du mausolée de Hafez al-Assad. Cette négligence traduit-elle la distance que le fils a voulu établir avec le style du père? C’est l’avis d’une partie de la jeunesse syrienne qui vomit le régime mais veut croire encore et malgré tout en son président.

On souligne sa faiblesse vis-à-vis des caciques du régime, en rappelant aussi que pendant longtemps il avait montré peu d’appétit pour le pouvoir et la succession de son père. « Si Bachar n’avait pas été aussi populaire, cela fait longtemps que le régime se serait effondré », affirme un jeune homme qui vient de rencontrer le rais, à l’heure où le président semble n’avoir rien d’autre à faire que de recevoir des délégations venues des quatre coins du pays. Il raconte l’anecdote que lui a confiée le président. Lorsque Bachar était étudiant, il avait assisté à une cérémonie publique pour l’anniversaire de son père. Alors que tout le monde applaudissait, le jeune homme se demandait quelle attitude adopter. C’est alors qu’un membre des services secrets qui ne l’avait pas reconnu s’approcha de lui et lui administra une violente gifle pour punir son manque de ferveur. « Je me suis demandé s’il fallait que je me fasse reconnaître. Finalement, j’ai décidé départir », a raconté Bachar devant le groupe de jeunes médusés par cette confidence. Pour cet étudiant séduit par son président, l’anecdote montre la modestie de Bachar. Ou « sa faiblesse de caractère », persifle un de ses amis…

Autant d’opposants que de Syriens

Bassam al-Qadi, de l’Observatoire syrien pour les Femmes, veut déboulonner le parti Baas mais pas le président. Il n’aime ni Burhan Ghalioun, président du Conseil national syrien, « parcequ’il veut le pouvoir et qu’il n’a pas déprogramme ». Ni Michel Kilo, l’un des opposants historiques « qui change d’avis tout le temps ». Et pas davantage son amie Suhair Atassi, qui «joue à l’opposition comme on joue à un jeu vidéo ».
Mohamed Abdel Majid Marjane, avocat à Alep et membre des comités de coordination de l’opposition, a passé plus de dix ans en prison. Lui, il reproche à la communauté internationale de pousser l’opposition en exil à adopter une ligne dure, quitte à précipiter la Syrie dans une guerre civile qui lui semble désormais difficilement évitable. « Pourquoi la France a-t-elle refusé d’organiser une conférence des comités, la seule opposition légitime, celle de l’intérieur, à Paris?», s’interroge-t-il.

Pour Fateh Jamous, rencontré dans le village de Bisnada près de Lattaquié, où il est constamment sous la surveillance des services secrets, il était évident que les aspirations démocratiques qui ont conduit à la révolution en Tunisie finiraient par gagner la Syrie. Mais il savait aussi que le pays, avec ses dizaines de minorités, risquait l’explosion. « J’étais à la fois heureux et inquiet », explique cet ex-militant communiste, ballotté entre l’espoir d’une révolution et la crainte de la guerre civile. Le docteur Mounzer Khaddam, enfin, un opposant de Lattaquié, dit comprendre la lutte de l’Armée libre, même s’il se présente comme un pacifiste. Pour lui, la seule chose qui rassemble l’opposition de l’intérieur, c’est sa haine du Conseil national syrien, qu’elle appelle « l’opposition de Paris ». En réalité, devant les risques de guerre confessionnelle qui augmentent de jour en jour en Syrie, l’opposition intérieure se déchire parce qu’elle est inquiète.

Comme en Irak…

A Alep, Fares al-Shehabi, le jeune président de la chambre de commerce, ne décolère pas: « Parce qu’on veut punir Alep pour sa neutralité, les hommes d’affaires que je représente sont menacés, enlevés, assassinés devant leurs usines. Si les services de sécurité continuent à nous protéger si mollement, nous constituerons des milices privées pour nous protéger nous-mêmes, comme en lrak! «Quant à l’attitude de la Turquie qui arme l’Armée libre, le businessman proche de Bachar prévient: « Toutes les armes que nous confisquons à nos opposants, nous les donnons au PKK. Il faut que la Turquie sache qu’elle arme sa propre opposition! »

Le tyran de Homs

Comme tous ceux qui reviennent de Homs, il parle à travers ses larmes. Moncef explique qu’un jour, un seul, au cours de la première manifestation, il s’est senti libre. Puis il y a eu le massacre, 100 morts, 600 blessés. Depuis, chaque vendredi, il va à des manifestations et chaque samedi à des enterrements.
Il raconte les turpitudes de Iyad Ghazal, le préfet de Homs, pour que l’on comprenne pourquoi on en est arrivé là. C’est-à-dire au nettoyage confessionnel des quartiers, aux gens que l’on fait descendre des bus parce qu’ils sont sunnites, chrétiens ou alaouites et qu’on ne revoit jamais. Iyad Ghazal, qui maltraitait les sunnites, qui avait imposé des taxes supplémentaires sur la vente des voitures, sur les transactions immobilières et tout ce qui pouvait alimenter sa cassette personnelle. A Homs, à cause de lui, tout était plus cher, l’électricité, l’eau, le câble, le tyran prélevait sa dîme sur tous les services. Quant aux alaouites qui entendaient réclamer leurs droits, ils signaient leur arrêt de mort. Puis la guerre est arrivée et ceux qui ne voulaient pas participer aux combats ont été renvoyés dans leur village. « Aujourd’hui, il y a de tout à Homs, explique Moncef, des combattants légitimes, des fous de Dieu et des criminels qui kidnappent et assassinent pour de l’argent… »

Le business des enlèvements

Dans son appartement d’Alep, situé en face du siège des services de renseignement qui a été pulvérisé par deux bombes, Ahmed Koussa, un homme politique de confession alaouite qui ne quitte plus ni son gilet pare-balles ni son revolver, me montre le SMS qu’il a envoyé aux ravisseurs de ses parents à Homs. « Je suis le fils des personnes que tu as enlevées. Garde-les en vie et tu auras ce que tu veux. «Quelques heures plus tard, il a reçu un coup de fil. Le ravisseur s’est présenté comme « le furieux ». Il a exigé la libération de 10 sunnites et 10 millions de livres. « Je lui ai dit que c’était d’accord pour l’argent mais que je ne détenais personne, alors il a tué mon père de 96 ans, puis ma mère. » Ahmed avait essayé de convaincre ses parents, les derniers habitants alaouites du quartier de Bab Dreid de Homs de quitter leur maison en les mettant en garde contre ce nettoyage confessionnel qui était en train d’avoir lieu dans les quartiers de Homs. En vain. « Mon père me disait que les gens qui n’ont plus de maison ne sont plus rien. »

Les voisins sunnites des Koussa, qui les connaissent depuis l’enfance, ont essayé de s’interposer lors de leur enlèvement mais les hommes armés étaient trop nombreux. Depuis le début des opérations à Homs, on enlève tous les jours, pour de l’argent, pour avoir une monnaie d’échange et récupérer ses proches qui ont été eux-mêmes enlevés. Asma, la femme d’Ahmed, une dentiste originaire elle aussi de Homs, s’exaspère de cette dictature des groupes armés. « Faudra-t-il remplacer une dictature par une autre? Pour moi, la Syrie, ce n’est ni Bachar ni le parti Baas ni ces fous de Dieu qui terrorisent ceux qui ne croient pas comme eux… »

Les listes noires de Facebook

En Syrie, Facebook ne sert pas seulement à organiser les manifestations anti-régime. Depuis quelques mois, les loyalistes à Bachar al-Assad comme les groupes armés qui se battent contre le régime y publient des listes de gens à éliminer. Une des listes de loyalistes du régime, qui compte 2 067 amis, propose de tuer Burhan Ghalioun, le chef du Conseil national syrien. Ou un coiffeur qui aurait chassé de son salon la première dame de Syrie. Ou encore Asala Nasri, une actrice accusée d’être ingrate envers le régime qui l’avait envoyée se faire soigner en Russie.

Parmi les centaines de listes noires qui courent sur le réseau social, certaines sont plus ou moins létales. Une des plus dangereuses est celle du bataillon Abou Obeida bin el Jara, qui compte 2 500 amis. Plusieurs des personnes qu’elle a désignées ont déjà été efectivement tuées. Comme Samir Qanatri, ce pharmacien de la ville d’Idlib à la frontière turque, accusé d’être un indicateur du régime et dont la femme a été violée. Où l’évêque Bassilios Nassar, tombé dans un piège alors qu’on lui avait demandé de venir donner une extrême onction. En Syrie, un pays au bord de la guerre civile, Facebook sert aussi à tuer.

LE CLAN ASSAD

BACHAR AL-ASSAD, 46 ANS, qui se destinait à une carrière médicale, succède à la tête de l’Etat syrien en 2000, après le décès de son père Hafez al-Assad. Arrivé au pouvoir, celui qui était apparu sous les traits d’un réformateur maintiendra finalement le pays sous le régime totalitaire que son père avait mis en place.

MAHER AL-ASSAD, 43 ANS, frère cadet du président Bachar al-Assad, symbole de la répression meurtrière de la révolte syrienne, lieutenant-colonel chargé de la sécurité de Damas et personnage clé du clan Assad, dirige la garde républicaine et la quatrième division de l’armée.

RAMI MAKHLOUF, 42 ANS, cousin du président syrien Bachar al-Assad, contrôlerait 60% de l’économie syrienne. L’homme d’affaires, dont l’empire commercial a été bâti grâce aux largesses et au soutien du clan Al-Assad, reste la cible des manifestants syriens.

ASSEF CHAWKAT, 62 ANS, redouté chef d’état-major adjoint pour la sécurité, qui a épousé la soeur aînée de Bachar al-Assad, Bouchra, est un partisan de la répression et de la manière forte.

FAROUK AL-CHAREH, 73 ANS, homme de confiance des Assad, est un homme clé du régime syrien depuis de nombreuses années. Il a été ministre des Affaires étrangères de 1984 à 2006. Il est aujourd’hui vice-président de la République chargé de la politique étrangère et des médias.

Depuis le début des opérations à Homs, on enlève tous les jours, pour de l’argent, pour avoir une monnaie d’échange et récupérer ses proches qui ont été eux-mêmes enlevés.