Reportage

L’arme de la terreur

Qui est responsable du «11-Septembre pakistanais», l’attentat suicide contre l’Hôtel Marriott d’Islamabad, qui a tait plus de 60 morts et 266 blessés ? Un groupe inconnu, les «Fedayin de l’islam», a revendiqué la responsabilité du terrible carnage, le plus spectaculaire jamais commis dans la capitale pakistanaise contre un symbole de l’Occident.

Selon Rehman Malik, ministre de l’Intérieur pakistanais, «toutes les pistes mènent aux zones tribales». Ce triangle des Bermudes de la barbarie fondamentaliste, de 27 220 km2, abrite une guérilla disparate composée de talibans qui se battent des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise, d’anciens de la résistance afghane contre l’invasion soviétique, autrefois armés par les Américains, de militants d’AI-Qaida rescapés des bombardements de Tora Bora, et de certains chefs terroristes, comme le numéro deux de l’organisation de Ben Laden, Ayman al-Zawahiri. Un échantillon de tous les «badguys» que les Américains étaient venus combattre en Afghanistan après le 11-Septembre.

Or, pendant sept ans, l’état-major américain a curieusement délégué aux Pakistanais le soin de mettre de l’ordre dans ce labyrinthe de grottes montagneuses, et de leur livrer Ben Laden. Mais l’armée pakistanaise a échoué. D’abord parce qu’elle a toujours protégé les talibans afghans, ses alliés de longue date, qui contestent le pouvoir du gouvernement de Kaboul, farouchement antipakistanais. Ensuite parce qu’elle en était militairement incapable et a préféré jouer l’apaisement dans ces régions incontrôlables où une révolte risque d’embraser tout le pays. Depuis quelques mois, pourtant, sous la pression des Américains, exaspérés de voir les talibans regagner du terrain en Afghanistan, l’armée d’Islamabad menait une véritable guerre dans la vallée de Swat, une ancienne région touristique où les Pakistanais partaient en voyage de noces, et dans la région de Bajaur, où 300 000 déplacés témoignent de la violence des combats.

Récemment, les Américains ont décidé de s’impliquer directement en multipliant les missions commandos et les bombardements ciblés dans les zones tribales, parfois sans même prévenir l’armée pakistanaise. Or, selon les commentateurs politiques au Pakistan, l’attentat du Marriott, s’il visait peut-être le nouveau président du pays, est d’abord une réponse à cette nouvelle tactique américaine qui a déjà fait de nombreuses victimes civiles et provoqué la colère de la population. Les relations entre Islamabad et Washington se sont donc incontestablement tendues et l’attentat contre le Marriott peut accélérer la mise sous tutelle américaine de l’armée pakistanaise. Comme il peut aussi inciter le président Asif Ali Zardari à entendre l’avertissement des fondamentalistes et à s’en tenir, comme son prédécesseur Pervez Musharraf, à un double jeu avec les Occidentaux.

Sara Daniel