Reportage

Un «Espoir»… inquiétant

Un «Espoir»… inquiétant

Sur cette vidéo qui a fait le tour du monde, on voit le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui aimerait tant «rayer Israël de la carte» , au téléphone entouré de huit officiers, dont le président de l’aérospatiale iranienne : «Alors que nous célébrons le trentième anniversaire de la victoire de notre révolution, nous demandons la permission d’envoyer le satellite Omid en orbite… Allahou Akbar, Allahou Akbar…» , chantent le président iranien et son entourage en donnant le signal du lancement. Parce qu’ils savent jouer des fantasmes de l’Occident, les Iraniens, en diffusant les images des pasdarans, Docteurs Folamour de la République islamique, sur fond de crise nucléaire, ont contraint la nouvelle administration américaine à durcir son message et à tempérer les dispositions de Barack Obama au dialogue avec l’Iran.

Car, en réussissant à utiliser un de ses missiles pour placer un satellite en orbite, l’Iran a rejoint le club très fermé des huit pays qui l’ont déjà fait (Russie, Etats-Unis, France, Chine, Japon, Grande-Bretagne, Inde et Israël…). «A la veille des négociations qui vont s’ouvrir avec les Etats-Unis, c’est une démonstration de compétence , décrypte Bernard Hourcade, spécialiste de l’Iran au CNRS. Cela signifie : «Arrêtez de nous mépriser. Notre technologie progresse, et si nous n’avons pas encore acquis la bombe nucléaire, c’est par l’effet de notre volonté et non de notre retard». Tel est en substance le message adressé par les mollahs à l’Amérique…»

Le lancement du satellite Omid («Espoir») représente pour les Iraniens une avancée technologique modeste mais incontestable. «Ce n’est pas un exploit : les Coréens du Nord ont franchi ce cap en 1998 , explique un expert balistique, mais c’est une étape qui montre que, dans ce domaine comme le nucléaire, les Iraniens progressent malgré la désapprobation de la communauté internationale…» L’expertise mise en oeuvre pour ce lancement est la même que celle qui avait été déployée l’année dernière lorsque l’Iran avait testé ses missiles Shahab-3. La communauté internationale avait alors pu constater que Tel-Aviv, Le Caire ou Riyad étaient à la portée des ogives iraniennes. Mais cette fois les Iraniens ont réussi à lancer un engin à deux étages, le Safir-2, ce qui permet de transporter la charge beaucoup plus loin que les 2 000 kilomètres de portée du Shahab-3. Bien sûr, selon l’agence de presse iranienne Fars, le satellite envoyé en orbite basse pesait seulement 27 kilos. On est loin de la tonne environ que pèse une charge nucléaire… «On pourrait imaginer de rassembler des Shahab-3 en fagot, comme l’avaient fait les Irakiens, mais c’est très compliqué» , explique ce spécialiste des missiles.

Il semble donc que le lancement d’Omid n’ait pas de signification militaire immédiate. En revanche, sur le plan international, il renforce les faucons américains, champions du bouclier de défense antimissile en Europe. Et, sur le plan intérieur iranien, il contribue à redorer le blason d’un président affaibli par la crise économique. Car, des royalistes aux communistes en passant par les islamistes, la question du droit de l’Iran à disposer de la technologie nucléaire civile fait consensus dans le pays. Avec le lancement d’Omid, symbole de la puissance et du prestige de la République islamique, Ahmadinejad marque un point précieux à quatre mois de l’élection présidentielle du 15 juin.