Reportage

Le piège de Guantanamo

Fermer le bagne de Guantanamo en janvier 2010 : Barack Obama en avait fait l’un de ses principaux objectifs pendant sa campagne. Il fallait tourner l’une des pages les plus sombres de l’administration Bush, anéantir le symbole le plus visible de l’arbitraire. L’existence même de la prison, avait-il expliqué, amenait de nouvelles recrues aux terroristes. Malgré sa détermination, il aura donc échoué. Trop d’obstacles juridiques, trop de résistance au sein du Congrès. Et une quadrature du cercle énoncée par le président lui-même : que faire de ces prisonniers très dangereux pour les Etats-Unis ? Les juger ? Mais comment, dès lors que leurs aveux ont été extorqués sous la torture ?

Les Etats-Unis n’apureront pas facilement le très lourd passif de l’ère Bush : les prisons secrètes de la CIA, ou «renditions» , cette sous-traitance de la torture des ennemis de l’Amérique confiée à des dictatures. Un des collaborateurs d’Obama, Gregory B. Craig, l’a bien compris. Avocat de la Maison-Blanche, il avait élaboré le décret devant conduire à la fermeture du bagne tropical. Dépité, il vient de démissionner. Il n’y a pas que Guantanamo qui perdure. En Afghanistan, dans la prison sous administration américaine de Bagram, 620 prisonniers n’ont toujours pas vu d’avocat. Pour «améliorer» leurs conditions de détention, les Etats-Unis viennent de faire construire un nouveau pénitencier. Coût : 60 millions de dollars…

Evolution positive

Autre sujet d’inquiétude pour les organisations de défense des droits de l’homme : une loi promulguée par Barack Obama en octobre dernier permet de bloquer la diffusion de photographies de prisonniers torturés, en violation du Freedom Act que les organisations américaines utilisent pour avoir accès aux dossiers de la CIA, du Pentagone ou du Département d’Etat. Le gouvernement américain veut empêcher la divulgation de photos de détenus subissant des abus sexuels à la prison d’Abou Ghraib. Le président Obama avait dans un premier temps accepté leur diffusion. Mais après avoir consulté le secrétaire à la Défense Robert Gates, il aurait changé d’avis pour ne pas mettre davantage en danger les soldats américains qui se battent en Irak et en Afghanistan.

Il y a aussi, bien sûr, quelques évolutions positives : cinq des principaux responsables du 11-Septembre détenus aujourd’hui à Guantanamo, dont Khaled Cheikh Mohammed, seront bientôt jugés à New York par un tribunal de droit commun, malgré les protestations de représentants républicains dont le maire de New York à l’époque de l’attentat, Rudolph Giuliani. A Bagram, certains prisonniers peuvent désormais recevoir des visites de leur famille. Mais on le sait aujourd’hui : il faudra des années pour en finir avec tout le système de coercition illégal mis en place par l’administration Bush dans sa croisade contre le terrorisme.

Sara Daniel